Jean Gabin, simple soldat de la 2e DB pendant la Seconde Guerre mondiale
En janvier 1944, Jean Moncorgé, dit Gabin, s’engage dans les Forces françaises combattantes. Après une première bataille au large de l’Afrique du nord, il deviendra instructeur puis conducteur de char dans la glorieuse division Leclerc. Avec ses compagnons ils iront jusqu’au Nid d’Aigle d’Hitler. L’engagement patriotique, discret, du grand acteur français… Par Marie-Noëlle Tranchant et Bertrand Guyard (Figaro)
Il y a la star Jean Gabin, et le second maître Jean Moncorgé, engagé dans les fusiliers marins pendant la Seconde Guerre mondiale. Il ne faut pas les confondre, même si c’est une même et unique personne, et de la même belle étoffe. « Discret » est le premier mot de l’exposition Jean Gabin dans la guerre 1939-1945. Il est resté discret toute sa vie sur les vingt-sept mois passés sous l’uniforme, et n’a plus voulu interpréter de militaire à l’écran : «La guerre, c’est pas du cinéma», disait-il. Seul Michel Audiard lui fera ressortir sa vieille casquette de fusilier marin pour un rôle de vieux loup de mer dans Le drapeau noir flotte sur la marmite, en 1971, note Patrick Glâtre, commissaire de l’exposition, dans son texte d’introduction.
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« Et toi, qu’est-ce que tu faisais, à la Libé ? » « Oh ! moi, j’étais sur des plages… », répond Gabin évasif
Dialogue de Michel Audiard dans Sous le signe du Taureau
Audiard a rendu ailleurs un hommage furtif à la modestie de l’acteur. Bertrand Tavernier s’enchante d’une réplique de Sous le signe du taureau de Gilles Grangier. Gabin interprète un ingénieur chercheur à la probité sans faille. Face à un profiteur qui se vante de s’être « goinfré de pognon » avec les Allemands, et encore plus avec les Américains à la Libération. Il lance alors à l’ingénieur : « Et toi, qu’est-ce que tu faisais, à la Libé ? » « Oh ! moi, j’étais sur des plages… », répond Gabin évasif. « C’est la seule réplique autobiographique, commente Tavernier, et elle est aussi discrète que lui : je suis le seul à l’avoir remarquée. C’est rapide mais cinglant ! »
À travers photos, citations, coupures de presse, extraits de films, quelques objets, l’exposition, petite mais évocatrice, détaille le parcours du combattant accompli par Gabin. Comme il avait fait son service militaire dans la marine, il a été mobilisé en 1939 et démobilisé en 1940 en tant que fusilier marin.
Les Allemands de la Continental s’intéressent vite à la vedette française. « Les nazis ont fait des ponts d’or à Gabin », rappelle un témoignage de Simone Signoret. Ce n’est pas son genre. Il choisit d’émigrer aux États-Unis en février 1941, et signe un contrat de cinq films avec la 20th Century Fox. « Et puis, je reviendrai, dit-il, parce que moi, la France, je ne peux pas m’en passer. » Le confort des émigrés célèbres à New York, très peu pour lui. « Des gars se faisaient tuer pour nos pommes, et on était plutôt peinards. Je supportais plus tout ça. »
En 1943, il s’engage comme second maître, mais le cabinet de De Gaulle lui demande de retarder son départ pour tourner un film de propagande L’Imposteur de Julien Duvivier. En janvier 1944, il prend la mer direction Alger, et reçoit son baptême du feu au large de la côte africaine. Il devient instructeur des fusiliers marins parmi lesquels Roland Lesaffre, qui aura cette appréciation : « Quel chic bonhomme ! »
Le 8 avril 1944 un régiment blindé de fusiliers marins est créé et intégré à la 2e DB. Le second maître Moncorgé devient chef de char du Souffleur 2, participe à la liquidation de la poche de Royan, à la campagne de Moselle, ira jusqu’à Berchtesgaden. « Il était là comme nous, avec la peur et la claustrophobie », dit un de ses potes. Rien d’une star, un soldat : c’est lui qu’on rencontre dans cette exposition, loyal, courageux, patriote, solide en amitié. La belle étoffe des héros anonymes.
Jean Gabin dans la guerre 1939-1945, Musée du général Leclerc et de la libération de Paris – Musée Jean-Moulin (Paris XVe).