Le Conseil national de la Résistance

Au fond de l’océan des douleurs et des outrages où elle fut plongée depuis plus de quatre ans et dont elle émerge aujourd’hui, la nation française a mesuré les causes de ses malheurs provisoires, celles dont elle fut elle-même responsable et celles qui incombent à d’autres. Charles de Gaulle (12 septembre 1944).

Dans le but d’unifier tous les mouvements de la Résistance contre l’occupation allemande de la France lors du dernier conflit mondial de 1939-1945, le général de Gaulle décide de créer un Conseil national de la Résistance. Le 1er janvier 1942, il confie à Jean Moulin[1] la mission de le faire. Cet homme de gauche devient alors le représentant personnel du Général auprès de l’ensemble des mouvements de résistance sur le territoire national.

La première réunion du CNR que Jean Moulin préside alors se tiendra le 27 mai 1943 dans l’appartement de René Corbin, au 1er étage du 48 rue du Four à Paris.

Outre Jean Moulin, le CNR est composé de 16 membres représentant les mouvements de résistance, les 2 organisations syndicales de l’époque (CGT et CFTC) et des 6 principaux partis politiques (PC, SFIO, radicaux, démocrates-chrétiens, Alliance démocratique et Fédération républicaine), soit la droite et la gauche confondues, comme le souhaitait le Général[2].

Après la capture de Jean Moulin par les SS et son décès le 8 juillet 1943 suite aux tortures infligées par la Gestapo, il est remplacé par Georges Bidault, nouveau président, aidé par Alexandre Parodi[4] qui jouera un rôle essentiel auprès du Général.

Lors de l’assemblée plénière du 15 mars 1944, un texte fondamental[5] pour l’avenir est adopté à l’unanimité puis validé par le général de Gaulle.

Participer à la Libération de la France

Dans une première partie, « le plan d’action immédiat » établit une véritable stratégie d’action pour les mouvements de résistance à la veille du débarquement allié du 6 juin 1944 tendant à participer à la Libération totale du territoire occupé.

Véritable lettre de mission pour les « soldats de l’ombre », ce texte trace l’essentiel des objectifs de ces 4 dernières années : 1– rétablir la Nation française, 2– délivrer la patrie, 3– sauver l’avenir de la France. Ce texte évoque « l’union des patrons et des ouvriers » chère au Général et de « l’union véritable de toutes les forces patriotiques pour la réalisation de la Libération nationale inséparable, comme le préconisait le Chef de la France libre, de l’insurrection nationale qui, ainsi préparée, sera dirigée par le CNR ».

La France de demain (1945) et d’aujourd’hui (2019)

Le texte décline ensuite un ensemble d’orientations qui déterminera, pour longtemps encore si nous l’assumons en termes d’héritage, les orientations politiques de la France et les fondements de la Ve République que le général de Gaulle instaurera lorsqu’il reviendra « aux affaires » en 1958.

Défendre l’indépendance politique et économique de la Nation ; établir la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel.

Ainsi, dès 1945, les femmes pourront voter ; dès 1958 l’utilisation du référendum pour les sujets importants sera un outil essentiel du débat républicain ; et en 1962, pour une première application en décembre 1965, l’élection au suffrage universel du président de la république… Avec pour corollaire la pleine liberté de pensée, de conscience, d’expression, d’association et de manifestation.

Sur le plan intérieur et sociétal, le programme du CNR propose une « véritable démocratie économique et sociale », économie et social, deux thèmes volontairement imbriqués et permettant »une organisation rationnelle de l’économie en assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général », règle fondamentale du gaullisme.

Les principales orientations du CNR se déclinent pratiques en projets explicites :

  • le rétablissement de la « planification à la française », d’orientation et d’incitation, mais non coercitive comme a pu l’être la planification soviétique ;
  • la nationalisation totale ou partielle de secteurs stratégiques comme l’énergie, la banque, les transports, les moyens de communication ;
  • la participation des travailleurs aux décisions économiques et sociales qui les concernent ;
  • le « rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail » qui trouvera sa première application dans la création des comités d’entreprise dès la Libération et, dans la foulée, le rétablissement des conventions collectives le 11 février 1950, ainsi que la création du SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti) devenu plus tard SMIC (Salaire minimum interprofessionnel de croissance)1 ;
  • la mise en œuvre d’un plan complet de « Sécurité sociale » ;
  • la retraite par répartition encore en place aujourd’hui.

En conclusion ce texte stipule : »Ainsi sera rendue possible une démocratie qui unit au contrôle effectif exercé par les élus du peuple la continuité de l’action gouvernementale », séparation des pouvoirs législatif et exécutif qui sera, jusqu’à la création de la Ve République, le combat du général de Gaulle entre 1946 et 1958 contre le « régime des partis », responsable de l’instabilité gouvernementale de la IVe République.

Il convient de mettre en évidence deux paragraphes de ce texte. Ils évoquent, sans ambiguïté, les orientations sociales du général de Gaulle. « Le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie. » fixent l’objectif majeur de la « Participation gaullienne » ; « La reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale » qui se veut être un élément indispensable à l’établissement d’une coopération entre l’État et les représentants économiques et sociaux.

Le gouvernement provisoire du général de Gaulle prend les ordonnances inspirées des mesures préconisées par le CNR. Contrairement aux interprétations ultérieures et partisanes de certains leaders politiques et syndicaux qui voudraient s’approprier la paternité, c’est bien le Général qui prend les décisions. Rien ne lui est imposé. Comment peut-on encore en douter ? Personne de sensé ne peut imaginer le général cédant aux desiderata politiciens alors que la France n’est pas encore totalement sortie du conflit.

En septembre 1944, Georges Bidault est nommé ministre des Affaires étrangères. À la tête du CNR lui succède Louis Saillant, résistant et syndicaliste CGT de sensibilité non communiste.

Le PCF hésite entre l’attachement à sa propre ligne politique et l’adhésion aux mesures à mettre en œuvre à partir du programme du CNR. Le retour en France de Maurice Thorez[6] rétablit une certaine solidarité gouvernementale. Charles de Gaulle en fait état dans ses Mémoires de guerre, Le Salut :

Quant à Thorez, tout en s’efforçant d’avancer les affaires du communisme, il va rendre, en plusieurs occasions, service à l’intérêt public. Dès le lendemain de son retour en France, il aide à mettre fin aux dernières séquelles des « milices patriotiques » que certains, parmi les siens, s’obstinent à maintenir dans une nouvelle clandestinité. Dans la mesure où le lui permet la sombre et dure rigidité de son parti, il s’oppose aux tentatives d’empiétements des comités de libération et aux actes de violence auxquels cherchent à se livrer des équipes surexcitées. À ceux – nombreux – des ouvriers, en particulier des mineurs, qui écoutent ses harangues, il ne cesse de donner pour consigne de travailler autant que possible et de produire coûte que coûte. Est-ce simplement par tactique politique ? Je n’ai pas à le démêler. Il me suffit que la France soit servie.

Mais il est paradoxal que le nouveau mouvement démocrate-chrétien MRP exprime une « foi révolutionnaire – selon les mots de Claire Andrieux[7] – plus radicale que les communistes ».

Si le gouvernement provisoire n’a jamais reconnu formellement en tant que tel le programme du CNR, le Général l’a approuvé personnellement.

Comme le précise Georgette Elgey[8], le Général « pratique une politique sociale hardie : le programme du CNR qu’il a approuvé le prévoit, et il aime à se montrer audacieux en la matière. Sans doute ressent-il aussi une certaine satisfaction à battre les communistes sur leur propre terrain et à jouer un tour à la bourgeoisie d’affaires qu’il rend en partie responsable de l’affaiblissement de la France ». En juillet 1944, répondant à l’invitation officielle de Roosevelt de se rendre aux États-Unis, il est acclamé partout. Dans Le West, quartier déshérité de New York, l’accueil est particulièrement chaleureux, contrairement à la réception glaciale des officiels à Washington. Et Pierre Mendès-France[9] qui l’accompagne de constater :

— Alors, mon général, vous voilà le chef du Front populaire

— Eh oui ! répond De Gaulle.

À Alger, le 11 juillet 1943, le chef de la France combattante avait annoncé :

La France choisit le chemin nouveau… La IVe République française abolira toute coalition d’intérêts ou de privilèges dont elle n’a que trop vu comment elle la mettait en péril. La Nation saura vouloir que les richesses naturelles, le travail et la technique, trois éléments de la prospérité de tous, ne soient point exploités au bénéfice de quelques-uns.

et il ajoute : »S’il existe encore des Bastilles, qu’elles s’apprêtent de bon gré à ouvrir leurs portes8. » Le 12 septembre 1944, au palais de Chaillot, et en présence du gouvernement, des membres du CNR et des grands corps de l’État, le Général, au nom du gouvernement provisoire, annonce les principes qui vont guider son action.

Avec le Conseil national de la Résistance, auquel j’adresse les remerciements du gouvernement et du pays tout entier, voici assemblés ici, en même temps que les représentants des grands corps de l’État, des hommes de toutes origines et de toutes nuances qui se sont mis au premier rang de ceux qui mènent le combat. Or, qui ne voit qu’une même flamme anime et qu’une même raison conduit toute cette élite française ? Il ne serait pas possible de trouver un auditoire plus qualifié et plus digne pour parler, comme je vais le faire, du présent et de l’avenir du pays.

Le général de Gaulle insiste, une fois de plus, sur les malheurs qu’a connus la France en rappelant néanmoins que pour certains d’entre eux ils nous incombent directement. Puis il prend un engagement : dès le terme du conflit, une Assemblée Nationale constituante sera élue par le peuple souverain. Dans l’attente, le gouvernement provisoire agira.

Sans doute, les circonstances lui imposent-elles parfois de prendre des dispositions qui ne sont pas formulées dans nos codes et d’associer souvent à l’élaboration de ces dispositions l’Assemblée consultative, mais il le fait sous sa responsabilité, dont la nation à juste titre, considère qu’elle est entière. Il appartiendra ensuite aux futurs élus du pays de les transformer, ou non, en lois proprement dites.

Ce qui sera fait pour l’instauration des Comités d’entreprise et la généralisation de la Sécurité Sociale.

Faute de s’en tenir fermement à ces principes, il n’y aurait qu’arbitraire et chaos, dont la nation ne veut pas. Mais, en les appliquant, nous trouvons les conditions de l’ordre, de l’efficience et de la justice précise-t-il.

Il veut aussi partager avec son auditoire et plus largement avec les Français, les difficultés qui s’annoncent immédiatement.

Nous nous trouvons, et chaque Français le comprend bien, devant une période difficile où la libération ne nous permet nullement l’aisance matérielle, mais comporte, au contraire, le maintien de sévères restrictions et exige de grands efforts de travail et d’organisation en même temps que de discipline. Bien qu’on puisse être certain que cette situation ira en s’améliorant, il faut prévoir que l’amélioration sera lente. Cela, la nation le sait et elle est décidée, en dépit de ce qu’elle a souffert, à supporter noblement ces épreuves, comme un grand peuple qui refuse de gaspiller le présent, afin de mieux bâtir l’avenir.

Mais il ajoute, en direction des travailleurs, qu’il appartient au gouvernement

de faire en sorte que le niveau de vie des travailleurs français monte à mesure que montera celui de la production française.

Sa conclusion est sans ambiguïté :

Pour résumer les principes que la France entend placer désormais à la base de son activité nationale, nous dirons que, tout en assurant à tous le maximum possible de liberté et tout en favorisant en toute matière l’esprit d’entreprise, elle veut faire en sorte que l’intérêt particulier soit toujours contraint de céder à l’intérêt général, que les grandes sources de la richesse commune soient exploitées et dirigées non point pour le profit de quelques-uns, mais pour l’avantage de tous, que les coalitions d’intérêts qui ont tant pesé sur la condition des hommes et sur la politique même de l’État soient abolies une fois pour toutes, et qu’enfin chacun de ses fils et chacune de ses filles puisse vivre, travailler, élever ses enfants, dans la sécurité et dans la dignité.

Les ordonnances qu’il signe entre décembre 1944 et octobre 1945 concernent différents domaines.

  1. 26 août et 30 septembre : organisation de la presse, et interdiction des concentrations – 13 décembre : création des houillères du Nord-Pas-de-Calais – 18 décembre : l’État prend le contrôle de la marine marchande – 30 décembre : relèvement des cotisations de la sécurité sociale.
  2. 16 janvier : confiscation des biens de Louis Renault et nationalisation de Renault – 22 février : création des Comités d’entreprise – 29 mai : les actions de la société Gnome et Rhône sont transférées à l’État – 26 juin : les compagnies Air France et Air Bleu sont nationalisées – 4 octobre : ordonnance sur la Sécurité sociale.

De Gaulle rétablit les syndicats

L’ordonnance du 9 août 1944 signée par Charles de Gaulle au nom du gouvernement provisoire de la République française rétablit la légalité républicaine. Dans le domaine social, cette ordonnance efface la « charte du travail » instaurée par le pouvoir de Vichy. Le régime pétainiste avait dissous les syndicats le 9 novembre 1940[10] et promulgua le 4 octobre 1941 une loi « relative à l’organisation sociale des professions ». Cette loi intitulée également « Charte du travail » supprimait toute liberté aux patrons et salariés de contractualiser librement[11]. Le droit de grève était aussi abrogé.

L’exposé des motifs de l’ordonnance du 9 août 44 établit le fondement de ce texte : »La libération du territoire continental doit être d’une manière immédiate accompagnée du rétablissement de la légalité républicaine en vigueur avant l’instauration du régime imposé à la faveur de la présence de l’ennemi[12]. »

Ainsi les syndicats CGT et CFTC sont rétablis totalement dans leurs droits antérieurs, même si cette décision avait déjà fait l’objet d’une ordonnance spécifique du Gouvernement provisoire le 27 juillet précédent[13].

Le comité d’entreprise

Cette institution de coopération économique au sein des entreprises a été instituée par l’ordonnance du 22 février 1945 signée du Général et la loi du 16 mai 1946 dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Le comité d’entreprise est l’une des instances représentatives des salariés ; les deux autres sont les délégués du personnel chargés de vérifier collectivement ou individuellement l’application des textes et accords et le délégué syndical, représentant dans l’entreprise de l’organisation syndicale qui l’a désigné, seul habilité à revendiquer et à négocier les accords d’entreprise.

Le système français de Sécurité sociale

Le texte (programme du CNR) adopté le 15 mars 1944 propose « un plan complet visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec une gestion appartenant aux représentants des intéressés et à l’État et une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».

C’est sur cette base que les ordonnances du 4 et 19 octobre 1945 prévoient un réseau de caisses qui remplace les multiples organismes existant auparavant.

En effet, au cours de la phase d’industrialisation du xixe siècle, se développent, de façon très restreinte et embryonnaire, des « sociétés de secours mutuels », basées sur le volontariat, en lieu et place de celles instaurées au sein des « corporations » de l’Ancien Régime abolies en 1792. Elles sont légalement reconnues par la loi du 1er avril 1898. Par ailleurs, l’aide sociale vient au secours des individus ou des familles ; elle est décidée par une commission composée en partie d’élus locaux.

Ainsi, une succession de lois, en précise les contours. Celle du 15 juillet 1893 institue l’assistance médicale gratuite ; celle du 27 juin 1904 crée le service départemental d’aide sociale à l’enfance ; celle du 14 juillet 1905 met en œuvre l’assistance aux vieillards infirmes.

En outre, la loi du 9 avril 1898 traite des accidents du travail ; celles des 5 avril 1928 et du 30 avril 1930, instituent pour les travailleurs bénéficiaires d’un contrat de travail une assurance qui couvre les risques maladie, maternité, vieillesse et décès. L’application en est limitée.

À la veille de cette Seconde Guerre mondiale, la France dispose donc de textes d’assurance sociale, mais inégalement appliqués aux différentes populations. De plus les prestations sont très variables.

C’est la raison essentielle pour laquelle le CNR entend établir une « Sécurité sociale » pour tous, fondée sur le travail et cogérée par les travailleurs et l’État.

Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 qui créent la Sécurité sociale sont préparées par Alexandre Parodi et affichent ainsi le « label » du gaullisme.

L’exposé des motifs de l’ordonnance du 4 octobre 1945 signée et promulguée par le général de Gaulle formule :

La Sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère.

[…] Envisagée sous cet angle, la Sécurité sociale appelle l’aménagement d’une vaste organisation nationale d’entraide obligatoire qui ne peut atteindre sa pleine efficacité que si elle présente un caractère de très grande généralité à la fois quant aux personnes qu’elle englobe et quant aux risques qu’elle couvre. Le but final à atteindre est la réalisation d’un plan qui couvre l’ensemble de la population du pays contre l’ensemble des facteurs d’insécurité ; un tel résultat ne s’obtiendra qu’au prix de longues années d’efforts persévérants, mais ce qu’il est possible de faire aujourd’hui, c’est d’organiser le cadre dans lequel se réalisera progressivement ce plan.

Il convient de préciser que la rédaction de cette ordonnance a particulièrement été ardue tant par les mutuelles et assurances qui détenaient les marchés d’avant-guerre, mais également les médecins et les associations familiales y sont opposés. Le patronat qui s’était très largement compromis, pour une part, pendant l’occupation fait pression également sur le gouvernement provisoire. Comme le précise le Général dans ses Mémoires de guerre (tome II), le patronat accueillera cette ordonnance « avec résignation[14]« . Pierre Laroque[15] est nommé directeur général de la Sécurité sociale dès le lendemain de la signature de l’ordonnance.

Ainsi, le « régime général de la Sécurité sociale » enfanté par cette ordonnance reposait, et repose encore aujourd’hui, sur trois règles fondamentales : la généralisation de la protection sociale à toutes les populations, l’unité des institutions et l’universalité des risques, la gestion paritaire dans laquelle l’État a des prérogatives essentielles.

Il aura fallu attendre 1978 pour que le remboursement des soins et médicaments soient étendus aux jeunes chômeurs et 1999 pour généraliser à tous la couverture maladie universelle (CMU). Ainsi, comme le précisent Thierry Fabre et Laurent Fargues dans un article publié le 9 mai 2015 par Challenges.fr, la prise en charge des dépenses de santé par la Sécurité sociale est passée de 50 % en 1950 à 76 % aujourd’hui, et avec les mutuelles à 90 %.

Le système de couverture maladie fait partie de l’ADN de notre nation. Il nous faut le conserver, moyennant, si nécessaire, quelques ajustements ne remettant nullement en cause cette solidarité commune pour tous sans aucune distinction de classes sociales.

Alain Kerhervé – Gérard Quéré


[1] Jean Moulin (1899-1943) bio.

[2] Quelques noms : Eugène Claudius Petit (1907-1989), mouvement de résistance « Franc-Tireur », centriste pro CED ; Jacques Lecompte-Boinet (1905-1974), industriel, officier de réserve, mouvement « Ceux de la Résistance » ; Jacques Debû-Bridel (1902-1993), mouvement Fédération République, gaulliste de gauche.

[4] Alexandre Maurice Marie Parodi (1901-1979) est un haut fonctionnaire, résistant et homme politique français. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est un des hauts fonctionnaires qui suscitent et fédèrent la Résistance. Fondateur ou dirigeant de plusieurs instances de la résistance intérieure, il devient en mars 1944 délégué général du Comité français de Libération nationale en zone occupée. Ministre des territoires libérés en août 1944, il participe à l’insurrection de Paris et organise la mise en place des nouvelles autorités civiles. Il est compagnon de la Libération. Il a profondément marqué la vie publique française au travers des fonctions multiples qu’il a exercées pendant un demi-siècle dans l’administration, la diplomatie, la vie sociale et la défense de l’intégrité du pays. Il fut vice-président du Conseil d’État de 1960 à 1971.

[5] Programme du Conseil national de la Résistance, intitulé dans sa première version Les Jours heureux par le CNR (voir annexe).

[6] Maurice Thorez (1900-1964) a été secrétaire général du PCF de 1930 à 1964, ministre de la Fonction publique de 1945 à 1947 et vice-président du Conseil en 1947.

[7] Claire Andrieux. Historienne française, spécialiste de l’histoire politique de la France contemporaine, travaille notamment sur l’histoire de la Résistance et l’histoire des associations, et a codirigé en 2006 un dictionnaire sur Charles de Gaulle.

[8] Histoire de la IVe République, La république des illusions, première partie.

Le Conseil national de la Résistance

[9] Pierre Mendès-France (1907-1982) – voir annexe

[10] 21 mars 1884 : la loi Waldeck-Rousseau autorise la formation des syndicats.

[11]Cette loi, rédigée par René Belin, ministre de l’économie, donne à l’État le contrôle des corporations, notamment des prix et salaires qu’il fixe lui-même.

[12] L’exposé des motifs fixe le 16 juin 1940 comme date de référence

[13] Pour la reconstitution des syndicats, un contrôle est néanmoins exercé sur les responsables afin d’écarter ceux qui ont été reconnus comme « collabo » ou fait l’objet d’une mesure d’épuration.

[14] Aujourd’hui, un certain patronat dénigre encore ce que le CNR a apporté dans l’évolution économique et sociale. Denis Kessler, déclare en 2007 au magazine économique Challenges : « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes […]. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du CNR ».

[15] Pierre Laroque (1907-1997). Haut fonctionnaire, il participe à Lyon à l’organisation de résistance « Combat » et rejoint Londres en avril 1943. Il est connu comme le « père » de la Sécurité sociale.

 

mai 27, 2023

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