Il y a 50 ans Le Redoutable, premier sous-marin nucléaire français, était lancé

LES ARCHIVES DU FIGARO – Le 29 mars 1967, à Cherbourg, le général de Gaulle déclare face au Redoutable : « Cette journée est capitale, pour notre défense nationale et pour notre indépendance ». Une force dissuasive pour la France. Le 29 mars 1967 à l’arsenal de Cherbourg, la Marine nationale, profitant de la grande marée de printemps, procède au lancement du tout premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE), Le Redoutable. Ce bâtiment, qui n’est pas encore terminé, est déjà une fierté. Il est le résultat d’un effort industriel et technologique considérable, entrepris depuis plusieurs années.Une flotte de sous-marins nucléaires lanceurs

Une flotte de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins pour la France

C’est pourquoi le président de la République Charles de Gaulle fait le déplacement accompagné de deux ministres : celui des Armées, Pierre Messmer et celui de la Recherche scientifique et des Questions atomiques et spatiales, Alain Peyrefitte. En effet cette mise à l’eau est un évènement de premier plan, une étape décisive dans l’élaboration « d’une force de frappe ». Comme le précise ce jour-là le ministre des Armées dans son allocution : « Aux côtés de forces de surface et d’une aéronautique navale progressivement modernisées, se développera une flotte de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, qui conférera à la marine une valeur stratégique nouvelle et sera pour la France un des meilleurs gages de sa sécurité, de son indépendance et de la paix ». Ainsi l’objectif est de faire peser sur l’adversaire une constante menace dissuasive mais également de libérer le pays de la tutelle de l’Otan.

Infographie du sous-marin nucléaire le « Redoutable » parue dans Le Figaro du 22 mars 1967.

Si la cérémonie est brève, comme le signale Le Figaro dans son édition du 30 mars 1967, elle s’est néanmoins déroulée, « En présence de cinq cents personnalités civiles et militaires, qui avaient pris place dans la tribune officielle. Parmi elles, la plupart des attachés militaires étrangers à Paris et un vieil homme de 80 ans, M. Le Guilcher, ancien quartier-maître sous-marinier qui plongea pour la première fois en 1901. Étaient également là, autour du jeune capitaine de corvette Bernard Louzeau, nommé commandant du Redoutable, neuf autres sous-mariniers dont la première plongée remonte à plus de 60 ans […] ». Mais le journaliste Pierre Kerlouegan, dans l’édition du Figaro du 28 mars 1967, évoque le chiffre de « Dix mille personnes qui assisteront à la cérémonie », dont « Quatre mille ouvriers de l’arsenal et leurs familles ».

« Guidé par quatorze puissants remorqueurs, il a aussitôt effectué sa première manœuvre. »

Le général de Gaulle à l’arsenal de Cherbourg le 29 mars 1967, lors du lancement du « Redoutable ». AFP/AFP

Quant au moment solennel du lancement, il a lieu à 10h45 « Lorsque le général de Gaulle, en costume sombre, tête nue, a appuyé sur le bouton vert qui donnait l’ordre aux responsables du lancement de libérer, le submersible. Une minute plus tard, le temps pour eux d’effectuer une ultime opération, et le verrou retenant sur la cale les cinq mille deux cents tonnes de la coque s’effaçait. […] L’arrière le premier, comme c’est la coutume, a pénétré dans l’eau sans même un balancement pour s’immobiliser comme prévu à une cinquantaine de mètres du quai où se trouvaient massés les ouvriers de l’arsenal. Sous les applaudissements, aussitôt après La Marseillaise, le général de Gaulle, visiblement réjoui, a serré les mains des deux ministres qui l’avaient accompagné, MM. Pierre Messmer et Alain Peyrefitte. » Puis le « sous-marin -grosse baleine noire que l’on s’étonne maintenant de trouver si basse sur l’eau-guidé par quatorze puissants remorqueurs, il a aussitôt effectué sa première manœuvre. Il est apparu de profil et, majestueusement, s’est éloigné vers le quai de Suffren où, pendant quelques jours, il sera mis en “assiette nulle”, c’est-à-dire rééquilibré. Le 12 avril, enfin, il prendra place dans la forme dite du Homet, où durant de longs mois on procédera à l’achèvement -à l’armement, comme disent les marins ».

Un sous-marin sans cœur actif dans son réacteur nucléaire

Le Figaro relève l’intérêt manifeste du chef de l’État qui lors de sa visite « Au bureau d’étude où lui ont été présentés des plans et de petites maquettes du sous-marin », se montre curieux. « À chaque instant, le général de Gaulle a posé des questions, il a ainsi appris que maintenant les opérations d’armement se poursuivront selon un rythme rigoureusement établi : pose de tous les câblages et tuyauteries, mise en place des meubles vides pour le matériel électronique, puis, ensuite, de ce matériel. » Mais c’est l’installation du cœur du réacteur qui semble l’intéresser plus particulièrement. En effet comme le remarque Le Figaro dans un article consacré à la « chaudière atomique du Redoutable », le bâtiment « est pour l’instant une coque inanimée incapable de se déplacer par ses propres moyens. Il faudra encore de longs mois de travail, sans doute plus de deux ans, avant que les ingénieurs mettent en place le premier “cœur” actif dans le réacteur nucléaire, chaudière moderne aux performances remarquables sans concurrence lorsqu’il s’agit de propulser un sous-marin militaire ». Même si le Redoutable n’a pas de moteur nucléaire en ordre de marche au moment de son lancement, pour le président de la République « Cette journée est capitale, pour notre défense nationale et pour notre indépendance ».

Les principales caractéristiques du « Redoutable » parues dans Le Figaro du 22 mars 1967.

Certes, la France est en passe de devenir la quatrième puissance navale atomique, mais comme le souligne Pierre Kerlouégan dans l’édition du Figaro du 22 mars 1967 : « Même si l’effort demandé au pays pour mettre cette force sur pied est considérable, il ne faut pas se cacher qu’il n’est comparable en aucune façon à celui consenti par les trois autres Grands. » Et de poursuivre, « En effet, à l’heure actuelle, les États-Unis possèdent 41 sous-marins atomiques lance-engins, l’Union soviétique 25 et la Grande-Bretagne en construit 4, grâce, il est vrai, à l’aide américaine dont elle bénéficie depuis les accords de Nassau ». Néanmoins la puissance de dissuasion du Redoutable sera bien réelle. En effet, une fois équipé des 16 missiles balistiques d’une portée de 3 000 km, le Redoutable a une puissance de feu 50 fois supérieur à la bombe d’HiroshimaCe navire, « Exceptionnel par ses dimensions » comme le souligne le journaliste est capable de faire des missions de 70 jours. Mais il a aussi la particularité d’avoir deux équipages -un « bleu » et un « rouge » -, composés chacun de 135 hommes, ce qui permet de l’armer en alternance.

Le général de Gaulle ne verra jamais de son vivant le submersible en service actif, sa première patrouille opérationnelle datant de janvier 1972. Après 51 missions et 1.270.000kms parcourus, le Redoutable est mis à la retraite en 1991. Délesté de son armement, il est de nos jours accessible au public à la Cité de la Mer de Cherbourg, où il se visite.



VIDÉO INA : Reportage sur le sous-marin nucléaire le Redoutable et son lancement en présence du général de Gaulle, diffusé dans Les Actualités Françaises le 4 avril 1967

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/afe86000882/le-lancement-du-redoutable-premier-sous-marin-atomique-francais



les SNLE aujourd’hui

Le Triomphant, l’un des quatre SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d’engins) français, transporte 16 énormes missiles et 110 hommes à son bord. ©Marine Nationale

 

 

 

 

 

 

Le type Le Triomphant est la classe des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, dits de nouvelle génération (les SNLE-NG) de la marine française. Il tire son nom du sous-marin tête de série, Le Triomphant, opérationnel à partir de 1997. Il s’agit de la deuxième génération de SNLE français qui prend la suite des six unités du type classe Le Redoutable. Nettement plus gros que leurs prédécesseurs, ils sont longs de 138 mètres et leur déplacement en plongée est de 14 335 tonnes. Ils sont aussi beaucoup plus silencieux, pratiquement indétectables, et peuvent plonger jusqu’à une immersion de 400 mètres. En 2020 ils embarquent, d’une part un armement nucléaire de dissuasion composé de seize missiles mer-sol balistiques stratégiques (les MSBS) de type M51, dotés chacun de six têtes thermonucléaires ayant une puissance chacune de 100 kilotonnes1, missiles de portée supérieure à 9 000 kilomètres, et d’autre part un armement conventionnel d’autodéfense composé d’un panachage de torpilles F21 et de missiles Exocet SM39.

Sur les six prévus initialement (au cours de la décennie précédant la fin de la guerre froide), quatre exemplaires sont en définitive construits par le chantier naval de la DCN à Cherbourg. La construction du premier exemplaire débute en 1986 et la livraison à la Marine nationale des quatre sous-marins s’échelonne de 1997 à 2010. Au cours des années 2010, les trois premières unités sont mises au standard du quatrième, dans le cadre d’une refonte lourde dont l’objet est de pouvoir accueillir le nouveau missile M51 (en lieu et place du M45) de puissance et portée supérieures, et de remplacer les équipements électroniques et informatiques devenus obsolètes.

Les quatre sous-marins sont basés à l’île Longue, en rade de Brest, et font partie de la Force océanique stratégique française qui comprend également six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), à propulsion nucléaire mais ne transportant pas d’arme nucléaire. La France maintient en permanence au moins un SNLE en patrouille et un deuxième à la mer ou prêt à partir en patrouille