25 août 1944 : La Libération de Paris
Le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire installé à Alger, ignore la date exacte du débarquement en Normandie. Il n’est pas dans la confidence, les alliés anglo-américains ayant comme objectif d’administrer les pays libérés dans le cadre de l’opération AMGOT. Le 4 juin 1944, il se rend à Londres. Furieux, mais toujours préoccupé du destin de la France, il lance ce 6 juin, sur la BBC (Dans l’émission « Ici la France » de Radio Londres.) un appel au peuple français :
« La bataille suprême est engagée ! Après tant de combats, de fureurs, de douleurs, voici venu le choc décisif, le choc tant espéré. Bien entendu, c’est la bataille de France et c’est la bataille de la France. »
La France, submergée depuis quatre ans, mais non point réduite, ni vaincue, la France est debout pour y prendre part. Pour les fils de la France, où qu’ils soient, quels qu’ils soient, le devoir simple et sacré est de combattre par tous les moyens dont ils disposent. Il s’agit de détruire l’ennemi, l’ennemi qui écrase et souille la patrie, l’ennemi détesté, l’ennemi déshonoré.
Il termine son appel au combat : « […] La bataille de France a commencé. Il n’y a plus, dans la nation, dans l’empire, dans les armées, qu’une seule et même volonté, qu’une seule et même espérance. Derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos larmes, voici que reparaît le soleil de notre grandeur ! »
Mais ce n’est que le 14 qu’il débarque sur la plage normande de Courseulles. Dès lors, son action priorise deux objectifs essentiels pour la France : l’installation de l’État français sur le territoire libéré et la délivrance de la capitale.
Le 5 juillet, le général de Gaulle se rend à Washington afin de normaliser ses relations jusque-là tumultueuses avec le président Franklin Roosevelt. De retour à Alger le 13, il est informé que les États-Unis reconnaissent le Comité français de libération nationale (CFLN) comme seul qualifié pour assurer l’administration de la France. L’opération AMGOT n’aura pas lieu en France. La légitimité du Général et l’autorité de l’État français sont ainsi entérinées.
Reste au Général de convaincre les alliés de délivrer Paris contrairement au plan initial concocté par Dwight Eisenhower chef des forces alliées en Europe, surnommé Ike, de contourner Paris par le sud et de filer vers l’Alsace et l’Allemagne.
Des tractations auxquelles participent plusieurs responsables de la résistance française et des Forces françaises libres (FFL), notamment le général Leclerc, mais également le début du soulèvement des Parisiens le 10 août (grève des cheminots), le 13 août (métro, gendarmerie), le 15 août (la police) puis les PTT, sont autant d’éléments qui penchent en faveur d’une intervention rapide sur Paris. Le 22 août, Eisenhower cède. De Gaulle qui se trouve au Mans est informé et se prépare à rejoindre la capitale ; il y parviendra le 25. Le général Leclerc et sa 2e division blindée marchent sur Paris.
À Paris, l’insurrection s’intensifie
Le dimanche 20 août, vers 15 h 30, une trêve est obtenue auprès de Dietrich von Choltitz par le général Jacques Chaban-Delmas, représentant le général de Gaulle. Cette information capitale est diffusée par de multiples moyens : « En raison des promesses faites par le commandement allemand de ne pas attaquer les édifices publics occupés par les troupes françaises et de traiter tous les Français prisonniers conformément aux lois de la guerre, le Gouvernement provisoire de la République française et le Conseil national de la Résistance vous demandent de suspendre le feu contre l’occupant jusqu’à l’évacuation totale de Paris. Le plus grand calme est recommandé à la population. On est prié de ne pas stationner dans les rues. » Elle sera de courte durée. Le 21, elle est rompue. 600 barricades sont dressées.
Cette semaine d’insurrection aboutissant à la libération le 25 août par l’arrivée des troupes de Leclerc aura causé la mort de 130 soldats de la 2e DB, de 1 000 résistants, de 600 civils et de plus de 3 000 soldats allemands.
La capitulation allemande
Au matin du 25, les troupes allemandes se préparent à évacuer les postes de commandement, notamment celui du chef d’état-major du général Dietrich von Choltitz (Dietrich von Choltitz refusera d’exécuter l’ordre d’Adolphe Hitler de brûler Paris.), gouverneur militaire du Grand Paris (Gross Paris).
À 10 h 30, le colonel Pierre Billotte adresse un ultimatum à Von Choltitz demandant sa reddition, et précisant : « Au cas où vous jugeriez bon de poursuivre une lutte qu’aucune considération d’ordre militaire ne saurait justifier, je suis décidé à la poursuivre jusqu’à l’extermination totale. Dans le cas contraire, vous serez traité conformément aux lois de la guerre (Cette lettre eut une influence décisive sur sa décision de ne pas détruire Paris.). »
L’acte de capitulation de l’armée allemande sera signé par Von Choltitz à 15 h 30 en la préfecture de police. Sont notamment présents du côté français les généraux Leclerc et Chaban-Delmas, ainsi que les colonels Pierre Billotte et Rol-Tanguy.
L’État français rétabli
En fin d’après-midi, le général de Gaulle s’installe à l’Hôtel de Brienne (C’est là que siégea le général de Gaulle comme secrétaire d’État à la Guerre en juin 1940.), siège du Gouvernement provisoire. « Rien n’y manque, excepté l’État. Il m’appartient de l’y remettre », précisera le Général dans ses Mémoires de guerre .
Après avoir rejoint Leclerc et Chaban-Delmas à la gare Montparnasse, le général de Gaulle arrive à l’hôtel de ville de Paris où l’attend une représentation du CNR. Il improvise des paroles fortes qui resteront gravées à jamais dans l’histoire de France :
Pourquoi voulez-vous que nous dissimulions l’émotion qui nous étreint tous, hommes et femmes, qui sommes ici, chez nous, dans Paris debout pour se libérer et qui a su le faire de ses mains ? Non ! Nous ne dissimulerons pas cette émotion profonde et sacrée. Il y a là des minutes qui dépassent chacune de nos pauvres vies.
Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle.
Le lendemain, après une conférence de presse qu’il tient dans son bureau de la rue Saint-Dominique, ce sera le défilé sur les Champs Élysées, resté dans la mémoire de tous.
En début d’après-midi, après s’être incliné devant la tombe du Soldat inconnu, à l’Arc de Triomphe, le général descend l’avenue au milieu des Parisiens en liesse.
« Ah ! C’est la mer ! Une foule immense est massée de part et d’autre de la chaussée. Peut-être 2 millions d’âmes […]. Je vais donc, ému et tranquille, au milieu de l’exultation indicible de la foule » (Mémoires de guerre).
Il est entouré des principaux acteurs de la Libération : Georges Bidault, président du CNR, le général Kœnig*, chef des FFI, de Leclerc, des membres du Comité parisien de Libération dont le vice-président Léon Hamon. Le défilé des voitures FFI et des chars Leclerc remplit d’une joie immense la foule innombrable. Tous se dirigent alors vers Notre-Dame pour chanter le Te Deum dans la cathédrale (Le Te Deum est chanté à l’occasion de services solennels d’action de grâce (victoires, fêtes nationales, naissances princières, saluts, processions, etc.) et dans toutes les circonstances où l’on veut remercier Dieu.).
* Marie-Pierre Kœnig (1898-1970) : militaire et homme politique français, maréchal de France et compagnon de la Libération. Il est surtout connu pour son rôle en tant que commandant de la 1re brigade française libre lors de la bataille de Bir Hakeim (Libye), qui se déroule du 26 mai au 11 juin 1942 durant la guerre du désert, et au cours de laquelle son unité de 3 700 hommes résiste aux assauts conjugués des armées allemande et italienne, environ dix fois plus nombreuses, de l’Afrika Korps dirigées par le général Erwin Rommel
La presse collaborationniste disparaît.
Après la défaite de 1940, et l’installation du régime de Vichy, il devient essentiel de rallier les Français à la nécessité d’une collaboration avec l’Allemagne. Pour le régime de Vichy, cette adhésion est inhérente à l’encadrement de la société et passe par la maîtrise des sources d’information. La moitié des journaux de la presse collaborationniste en zone occupée, c’est-à-dire la zone nord, sont subventionnées par les éditions Le Pont, créées par l’ambassade d’Allemagne, elle-même dirigée par Otto Abetz qui dirige la Propagandastaffe*, spécialisée dans la censure.
Pendant ces 4 ans d’occupation, la presse collaborationniste (Je suis partout**, L’Œuvre***, Paris-Soir****, L’Action française*****, Le Matin******) combattait ouvertement la résistance au régime de Vichy et défendait la politique pro-allemande.
* Propagandastaffel (en allemand « escadron de propagande ») : service chargé par les autorités allemandes de la propagande et du contrôle de la presse et de l’édition françaises pendant l’Occupation.
** Journal pro-nazi et antisémite.
*** Journal de Marcel Déat, défenseur de la collaboration.
**** L’un des plus grands tirages : 2 millions d’exemplaires, directement dirigés par les Allemands.
***** Quotidien royaliste de Charles Mauras.
****** Grand quotidien de l’entre-deux-guerres.
Pour ne prendre que cet exemple, en juin 1942, le port de l’étoile jaune est imposé aux Juifs dès l’âge de 6 ans en zone occupée. Cette presse française, sous le contrôle de l’ambassade d’Allemagne, soutient cette initiative infamante.
Comme le stipule Julien Licourt, journaliste, « La libération de Paris provoque la disparition de ces journaux favorables aux Allemands et au régime vichyste… qui espéraient jusque dans leurs derniers articles qu’un sursaut de la Wehrmacht permettrait au Reich de l’emporter sur les terroristes résistants et l’armée d’invasion anglo-américaine. »