De Daladier à Reynaud …
Au terme de la Première Guerre mondiale (1914-1918), l’Empire des Habsbourg[1] est démantelé. La Tchécoslovaquie est créée. Les Allemands des Sudètes deviennent une des nombreuses minorités que compte alors ce nouvel État.
L’opposition entre les Tchèques et les Allemands s’intensifie au cours des années 1920 et 1930. Ainsi, le Parti allemand des Sudètes, créé et présidé par Konrad Henlein, obtient 1 256 010 voix et 44 sièges sur 75 aux élections législatives de 1935. Fort de ce succès, il en appelle à Adolf Hitler au pouvoir en Allemagne depuis 1933.
Les 29 et 30 septembre 1938, Adolf Hitler veut libérer les Allemands des Sudètes de l’oppression tchécoslovaque. Il peut alors s’appuyer sur l’organisation du Parti allemand des Sudètes. Il exige du gouvernement de Prague l’annexion au Reich de la région des Sudètes.
Le Führer se contente d’en informer les gouvernements français et britannique, promettant alors que dorénavant, « l’Europe connaîtra la paix pour mille ans » . Ainsi le Traité de Munich[2] qu’il propose le 29 septembre 1938 est accepté et signé par Édouard Daladier, président du Conseil (côté gouvernement français), Neville Chamberlain (pour la Grande-Bretagne) et le Duce italien Benito Mussolini. Le 21 octobre 1940, les Sudètes deviennent officiellement région citoyenne du Reich.
En France…
Le colonel Charles de Gaulle présente au président de la République Albert Lebrun l’unité qu’il commande à la 5e armée en Moselle (Goetzenbruck, 23 octobre 1939).
Depuis un certain temps, le bolchevisme[3] hante les esprits notamment dans la classe conservatrice française. Cette situation s’aggrave nettement à la signature le 23 août 1939 du Pacte germano-soviétique[4].
Le 3 septembre 1939, la Pologne subit une agression de l’Allemagne. Sa frontière est violée par la Wehrmacht. Le premier coup de canon de la Deuxième Guerre mondiale est tiré sur Dantzig. Le Colonel de Gaulle est nommé commandant des chars de la 5e armée[5].
Un ultimatum est adressé par Londres. Il expire ce 3 septembre à 11 heures. Sans réponse, la Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne.
Le Président du Conseil français, Édouard Daladier, et son ministre des Affaires étrangères Georges Bonnet, pressent le président de la République Albert Lebrun de déclarer, à son tour, la guerre. Ce qui est fait à 17 heure.
Les troupes franco-anglaises, dont le commandement est confié au général Maurice Gamelin, restent cantonnées derrière la ligne Maginot au grand désespoir des Polonais. Cette « drôle de guerre », qualifiée ainsi par Roland Dorgelès[6], durera plusieurs mois jusqu’au 10 mai 1940, début de l’invasion de la France par les armées allemandes.
À la déclaration de la guerre, le Parti communiste, véritable « ambassadeur de la révolution bolchevique » , prône le pacifisme à l’Assemblée nationale. Lorsque les députés se lèvent pour saluer le départ des soldats au front, seuls ses députés restent ostensiblement assis pour montrer leur désaccord. Le 9 février 1940, les deux chambres (Assemblée nationale et Sénat) voteront la déchéance des élus communistes, et interdiront la parution du journal L’Humanité. Le PCF est déclaré « hors la loi ».
Pour autant, l’Assemblée n’en retrouve pas moins cette belle unanimité nationale qui, le 9 février 1940, permettait d’accorder une confiance unanime à l’adresse du président du Conseil, Édouard Daladier.
Daladier, mis en minorité, démissionne
Ce 19 mars 1940, l’Assemblée nationale est réunie en séance secrète dans un climat tendu. L’URSS vient d’attaquer la Finlande et la France ne bouge pas. Édouard Daladier doit faire face aux esprits guerriers, tant dans cette Assemblée nationale qu’au Sénat où Laval mène le combat. Au Palais Bourbon, Pierre Étienne Flandin, ami de Laval, conduit la charge. Daladier est vivement accusé de ne pas envoyer de troupes en Finlande et, plus encore, de ne pas déclarer la guerre à l’URSS. « Vous avez perdu le soutien de toutes les forces de la terre qui considèrent le bolchevisme comme le principal ennemi. Je vous défie d’expliquer pourquoi vous faites la guerre aux Allemands et pas aussi à la Russie. »
À la tribune, Daladier tente de répondre. Il lance, comme un défi : « Si vous n’approuvez pas ma manière de conduire la guerre, dites-le. Et je serai mis en minorité. » Ce qui est fait par 230 voix favorables contre 300 abstentions.
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Le général de Gaulle témoigne (Mémoires de guerre – L’Appel : 1940-1942)
Conformément aux habitudes, le régime, incapable d’adopter les mesures qui eussent assuré le salut, mais cherchant à donner le change à lui-même et à l’opinion, ouvrit une crise ministérielle. Le 21 mars, la Chambre renversait le cabinet Daladier. Le 23, Paul Reynaud formait le gouvernement.
Appelé à Paris par le nouveau président du Conseil, je rédigeai, à sa demande, une déclaration nette et brève qu’il adopta telle quelle pour la lire au Parlement. Puis, tandis que, déjà, les intrigues bruissaient dans les coulisses, je fus au Palais-Bourbon assister d’une tribune à la séance de présentation.
Celle-ci fut affreuse. Après la déclaration du gouvernement, lue par son chef devant une Chambre sceptique et morne, on n’entendit guère, dans le débat, que les porte-parole des groupes ou des hommes qui s’estimaient lésés dans la combinaison. Le danger couru par la patrie, la nécessité de l’effort national et le concours du monde libre n’étaient évoqués que pour décorer les prétentions et les rancœurs. Seul, Léon Blum, à qui, pourtant, nulle place n’avait été offerte, parla avec élévation. Grâce à lui, M. Paul Reynaud l’emporta, quoique d’extrême justesse. Le ministère obtint la confiance à une voix de majorité. « Encore », devait me dire plus tard M. Herriot, président de la Chambre, « je ne suis pas très sûr qu’il l’ait eue. »
Avant de regagner mon poste, à Wangenbourg, je demeurai quelques jours auprès du président du Conseil installé au Quai d’Orsay. C’était assez pour apercevoir à quel point de démoralisation le régime était arrivé. Dans tous les partis, dans la presse, dans l’administration, dans les affaires, dans les syndicats, des noyaux très influents étaient ouvertement acquis à l’idée de cesser la guerre. Les renseignements affirmaient que tel était l’avis du maréchal Pétain, ambassadeur à Madrid, et qui était censé savoir, par les Espagnols, que les Allemands se prêteraient volontiers à un arrangement. « Si Reynaud tombe, disait-on partout, Laval prendra le pouvoir avec Pétain à ses côtés. Le Maréchal, en effet, est en mesure de faire accepter l’armistice par le commandement. » Un dépliant circulait par milliers d’exemplaires, portant sur ses trois pages l’image du Maréchal, d’abord en chef vainqueur de la Grande Guerre avec la légende : « Hier, grand soldat !… », ensuite en ambassadeur : « Aujourd’hui, grand diplomate !… », enfin en personnage immense et indistinct : « Demain ?… »
Source : Charles de Gaulle, Mémoires de guerre – L’Appel : 1940-1942.
Paul Reynaud… un espoir naît !
Le 21 mars, le président Albert Lebrun appelle Paul Reynaud, 62 ans, qui manœuvrait pour cela depuis quelque temps. C’est, dit-on alors, un homme de courage et de détermination qui ne pliera pas l’échine devant Hitler, pas plus que devant Staline.
De l’autre côté de la Manche, un homme est ravi. C’est Winston Churchill, que les observateurs voient déjà comme le Premier ministre succédant à Chamberlain, le signataire des accords de Munich. Tout comme Daladier, que Reynaud appelle néanmoins à la Défense nationale.
Le nouveau gouvernement satisfait, pour le moins, deux autres hommes. L’un s’appelle Philippe Pétain. À travers Pierre Laval et Henry Lémery, son ami intime, il a obtenu « la peau » d’Édouard Daladier comme président du Conseil. L’autre, inconnu, se nomme Charles de Gaulle. Il est colonel, et se bat depuis longtemps pour une modernisation de l’Armée française. Le 17 mai 1940, le colonel de Gaulle est sur le terrain des opérations militaires. Nommé au commandement de la 4e division blindée, c’est à son poste de combat que l’offensive-ouragan saisit le colonel de Gaulle. Et, malgré la médiocrité du matériel dont les éléments sont dispersés et qu’il faut regrouper, il s’efforce de faire face et réussit à progresser d’une vingtaine de kilomètres en direction de Montcornet. Cette brillante action lui vaut une élogieuse citation de Weygand, successeur de Gamelin comme généralissime : « Chef admirable de cran et d’énergie[7]… »
Or, justement, le seul qui l’ait vraiment écouté jusqu’ici a pour nom Paul Reynaud. À la suite du remaniement ministériel du 5 juin 1940, le président du Conseil des ministres, Paul Reynaud, qui lui avait depuis longtemps accordé attention et crédit, nomme Charles de Gaulle sous-secrétaire d’État à la Guerre et la Défense nationale. Mais n’est-il pas déjà trop tard ?
Après neuf mois d’attente de part et d’autre des lignes de défense pour les forces alliées et allemandes, Hitler donne l’ordre à ses troupes le 10 mai 1940 d’attaquer les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique et la France. L’armée française, qui pourtant oppose une réelle résistance à l’ennemi, est vaincue en six semaines.
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