Le droit de vote accordé aux femmes
« Une fois l’ennemi chassée du territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront l’Assemblée nationale qui décidera souverainement des destinées du pays »
De Gaulle, dans les journaux clandestins pendant l’occupation Nazie .
L’ordonnance du 21 avril 1944 portant « organisation des pouvoirs publics en France après la Libération » établit le fonctionnement du Gouvernement provisoire de la République française (En remplacement du CFLN[1]) que préside le général de Gaulle.
Son l’article 17 décrète : « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. »
Une volonté de Charles de Gaulle…
Le 23 juin 1942, dans une déclaration rendue publique en France dans les journaux clandestins, le Chef de la France Libre annonçait « qu’une fois l’ennemi chassée du territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront l’Assemblée nationale qui décidera souverainement des destinées du pays ». Une semaine avant le vote définitif de cette disposition, le Général confirmait que le nouveau régime « doit comporter une représentation élue par tous les hommes et toutes les femmes de chez nous »[2].
La question du vote des femmes fut posée au mois de mars 1944 à l’Assemblée consultative par le député communiste Fernand Grenier. Se référant aux déclarations du général de Gaulle pendant la guerre, il souhaitait que soit reconnu le droit de vote et d’éligibilité des femmes « afin que nous lui manifestions notre solidarité et notre volonté de ne plus la traiter en mineure, en inférieure ». Le 24 mars, l’Assemblée consultative siégeant à Alger adopte le principe du droit de vote des femmes par 51 voix « pour » et 16 voix « contre ».
Il convient aussi de rappeler l’appui du syndicaliste chrétien Robert Prigent et celui particulièrement appréciable de Louis Vallon (Gaulliste de gauche) qui fait basculer le débat dans ce sens en contrecarrant les quelques opposants : « Je retrouve les traditions de l’ancien parlement français dans tout ce qu’elles avaient de plus détestables. A maintes reprises, le parlement s’est prononcé à la quasi-unanimité en faveur du vote des femmes, mais à chaque fois, l’on s’est arrangé par des arguments de procédure pour que la réforme n’aboutisse pas ».
Le rôle important des femmes dans la résistance a été un élément déclencheur. « Avec qui ferait-on la noblesse d’un peuple sinon avec celles qui la lui ont donnée » disait d’ailleurs André Malraux des héroïnes de la résistance[3].
Les premiers votes des femmes
Il a lieu les 29 avril et 13 mai 1945 pour l’installation des nouvelles municipalités. 3% des conseillers municipaux sont des femmes. Ainsi, Odette Roux, 28 ans, est élue Maire des Sables-d’Olonne, mais également Pierrette Petitot[4] à Villetaneuse. A Echigey (Côte d’Or), tous les membres du nouveau conseil municipal sont des femmes. Madelaine Ainoc dirige cette municipalité. Les actualités filmées avaient à l’époque consacré un reportage à « Échigey, symbole éclatant de la supériorité féminine, (…) une municipalité en jupons, où les conseillers étaient des conseillères. »
En octobre 1945, 33 femmes (soit 5,6%) sont élues à l’Assemblée constituante sur les 586 sièges à pourvoir. Parmi ces femmes députées, on trouve Marie-Madeleine Dienesch, gaulliste ; Elle siègera jusqu’en 1981. Mais également Madeleine Léo-Lagrange, épouse de Léo Lagrange, SFIO et Jeannette Vermeersch, épouse de Maurice Thorez, PCF.
Le droit de vote des femmes a aussitôt d’autres répercussions pour la gente féminine. Sous l’autorité du général de Gaulle, Michel Debré créé l’ENA (École nationale d’Administration), patente nécessité tant l’État doit être totalement rétabli dans ses prérogatives et responsabilités.
Dans ses mémoires (Tome 1), Michel Debré, alors membre du Cabinet du Général, fait un constat alarmant : « À l’époque de la Libération, les femmes n’étaient encore admises que dans la modeste fonction publique ». Ainsi, l’ENA est ouverte aux femmes : « je leur ai permis d’accéder au Conseil d’État, à la Cour des comptes, au Corps préfectoral, aux Corps d’inspection, notamment des finances, à la diplomatie ». Il faudra néanmoins attendre les années 2010 pour que les femmes représentent 45% d’une promotion.
Michel Debré souligne que chacune de ces décisions « a rencontré des oppositions ». « Ainsi, précise-t-il, ai-je dissimulé mon intention d’ouvrir Polytechnique aux candidates jusqu’au matin du Conseil des ministres à qui j’ai fait prendre la décision ».
La détermination de Michel Debré à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes se reflétera, une nouvelle fois, certes de manière prudente, lorsqu’il deviendra le premier « Premier ministre » de la Ve République. A son initiative, une femme entre au gouvernement : Nefissa Sid Cara[5] restera Secrétaire d’État jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en 1962.
Dans son dernier livre[6], Jean-Louis Debré après avoir quitté la Présidence du Conseil constitutionnel, le rappelle : « Au nom de la dignité de la femme et de l’égalité entre hommes et femmes, elle s’est adressée à ses sœurs algériennes pour les inciter à cesser de porter le voile ». Déjà les extrémistes musulmans s’opposèrent à cette jeune algérienne moderne qui symbolisait « une ardente volonté de transformation de la société algérienne, notamment en faveur des femmes musulmanes ». Ainsi, précise Jean-Louis Debré, l’ordonnance du 4 février 1959 sur la condition des femmes musulmanes impose le consentement libre et volontaire des deux époux pour que le mariage puisse être validé. Elle est signée conjointement par Michel Debré et Nafissa Sid Cara
[1] Comité français de la Libération nationale
[2] « Les femmes et la république » de William Guéraiche.
[3] « Les femmes dans la résistance en France » de Christine Levisse-Touzé, historienne française, spécialiste de la France pendant la Seconde Guerre mondiale.
[4] Résistante, membre du PCF, elle sera élue jusqu’en 1977.
[5] Nafissa Sid Cara (1910 – 2002). Elle incite à un islam républicain compatible avec les lois de la République, et est partisane de l’émancipation de la femme musulmane.
[6] « Ce que je ne pouvais pas dire » chez Robert Laffont – 2016